La biodiversité au service des Espaces Verts !

L’été 2020 est marqué par un nouveau projet d’arrêté restreignant l’usage des produits phytopharmaceutiques dans les lieux de vie. Le Ministère de la Transition écologique et solidaire a récemment lancé une consultation publique relative à ce projet d’arrêté visant à étendre le champ d’application de la « loi Labbé » du 6 février 2014.

Ce projet annonce une nouvelle étape dans la réduction de l’usage des produits phytosanitaires en JEVI, impliquant le déploiement de solutions alternatives pour adapter les modes de gestion des espaces verts.

Changer de pratique nécessite toutefois de mobiliser des savoir-faire nouveaux, et, bien souvent, d’apprendre à conjuguer plusieurs actions pour résoudre une problématique.

Face à ce changement, la biodiversité offre une large palette d’« outils » naturels pour aider les gestionnaires à combattre les ravageurs des végétaux. Les 200 000 « auxiliaires » potentiels que compte la France deviennent alors des alliés précieux pour mettre en place une lutte biologique. Mais encore faut-il savoir les reconnaître, les comprendre, les favoriser, les pérenniser. Retrouver des écosystèmes fonctionnels, agir de manière globale plutôt que focalisée sur une problématique, impliquer les acteurs du territoire… Les aspects à considérer sont nombreux pour déployer une gestion efficace sans mobiliser les produits phytosanitaires !

Rodolphe Majurel, écologue, Bativersité, nous invite dans l’article ci-dessous « La biodiversité au service des Espaces Verts ! » à un tour d’horizon de ce « champ des possibles » qu’offre la biodiversité aux gestionnaires !

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La biodiversité au service des Espaces Verts !

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La pression sociétale pour la prise en compte de la biodiversité est de plus en plus forte. Le cadre juridique permettant l’emploi de produits chimiques au sein des collectivités territoriales est de plus en plus stricte tant les effets sur la santé publique et l’environnement sont forts. Ainsi le glyphosate et les pesticides chimiques sont maintenant proscrits. Pourtant, des problématiques pour la gestion des espèces dites ravageurs existent et les collectivités se retrouvent souvent sans réponse pour y remédier. Pourtant il existe une méthode naturelle, bon marché, efficace et surtout sans effet secondaire, : favoriser les espèces utiles, appelées « auxiliaires ». Il existe en soi peu de ravageurs au regard de la diversité des espèces présentes dans un écosystème fonctionnel. Mais il faut retenir que le moyen de lutte biologique le plus efficace sera de se rapprocher le plus possible d’un milieu naturel, riche en micro-habitats, ce qui permettra à une grande diversité et de créer un équilibre proie/prédateurs. Cet équilibre est précaire et en perpétuel mouvement….

L’objectif est donc de tenter de restaurer les habitats écologiques abritant ces auxiliaires pour essayer de retrouver un équilibre écologique. Pour cela, il est plus pertinent et efficace d’avoir une réflexion générale et globale d’un territoire (en associant la population, les entreprises locales et les agriculteurs) plutôt que de favoriser un auxiliaire pour répondre à une problématique.

Mais la  biodiversité, c’est quoi ?

La biodiversité est l’ensemble de la diversité du vivant sur la Terre, dont l’espèce humaine fait partie intégrante, qui est apparue sur Terre il y a 3,9 milliards d’années, dans les océans.

Selon la définition de la convention sur la diversité biologique (1992), elle correspond à une diversité biologique par la « variabilité des organismes de toute origine y compris, entre autres les écosystèmes et les complexes écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ». La Biodiversité, c’est aujourd’hui plus de 2 millions d’espèces identifiées dans le monde et on en trouve de nouvelles tous les jours, même en France. Une 35eme espèces de chauves-souris (Myotis Crypticus) présente sur le pourtours Méditerranéen, vient d’être décrite en juin 2019.  

En France, selon Véronique Sarthou de Syrphys, 67 000 espèces animales sont considérées comme des ravageurs et 200 000 comme auxiliaires agricoles. Certaines espèces peuvent être considérées comme auxiliaires autant que ravageurs, tel le forticule (perce-oreille) qui est à la fois prédateur du puceron, consommateur primaire et décomposeur. Les insectes pollinisateurs ou décomposeurs, bien que non prédateurs, sont cependant également considérés comme auxiliaires. Les auxiliaires appartiennent à des groupes très variés et interviennent à différents stades de développement  des ravageurs (œufs, larves, nymphes, adultes). Les espèces non considérées comme auxiliaires ont également de nombreux rôles et sont souvent indispensables pour maintenir l’équilibre global des écosystèmes.

Ainsi, le bon fonctionnement des écosystèmes, qui se caractérise par des écosystèmes sains, résilients, fonctionnels et diversifiés, contribue au développement durable des territoires et du bien-être en accueillant les auxiliaires.

Au sein des collectivités, nous pouvons classer ces écosystèmes en 3 groupes par leur diversité de milieux.

Les zones arborées constituent un groupe d’écosystème qui regroupe les parcs et jardins, les haies, les arbres isolés ; les friches (industrielles ou terrains non occupés), les fourrés et bois (garrigues, pinèdes, etc) ainsi que les ripisylves.

Ces zones sont d’une importance capitale pour les auxiliaires agricoles et la biodiversité en général. Chaque strate de la zone arborée accueille des auxiliaires.

Les haies sont des corridors pour les déplacements des oiseaux, des chauves-souris et autres mammifères. Le choix des essences présentes dans les haies est également primordial. Il faut choisir des essences locales et adaptées aux conditions climatiques. Le pied de la haie où se trouve la strate herbacée est également primordiale pour les insectes, reptiles et autres mammifères si la gestion mise en place est adaptée.

Les arbres de hauts jets servent de perchoir pour les rapaces et accueillent les nids de différents oiseaux, les essences arbustives conviennent à des passereaux tels la fauvette, le Bruant zizi et rouge gorge familier, etc. Les vieux arbres et les arbres morts jouent un rôle crucial pour les rapaces nocturnes, car ils servent de gîte, mais également à certaines chauves-souris comme les barbastelles ou autres oreillards qui trouvent refuge dans les trous ou derrière les écorces. Malheureusement, ils sont très peu présents car ils peuvent présenter des risques de sécurité pour la population. Pourtant, certains arbres sénescents sont dans des lieux qui ne présentent pas de risque et hébergent une faune riche et diversifiée. Des protocoles de coupes peuvent être mis en place pour la préserver. La première chose à faire lorsque l’on veut travailler sur les auxiliaires, c’est de préserver ceux qui sont déjà présents.

Toutes les strates sont occupées en fonction des besoins (gîtes de repos, d’hivernage et de reproduction, corridors de déplacements et zone de nourrissage) de différents taxons.

Les zones arborées peuvent rendre de nombreux services aux collectivités locales :

  • Accueil sur chaque strate d’auxiliaires
  • Protection microclimatique
  • Régulation de la ressource en eau
  • Fertilisation du sol
  • Création d’une barrière contre les pollutions
  • Contribution à l’image de la collectivité

Les zones herbacées regroupent les chemins et fossés, les jachères et prairies, les pelouses, etc. Ce sont les habitats de nombreux insectes et invertébrés qui peuvent être de précieux auxiliaires. L’idéal est d’avoir plusieurs modes de gestion pour avoir une flore diversifiée et ainsi avoir une multitudes de micro habitats. Une zone qui possède plusieurs strates herbacées, de la pelouse aux hautes herbes, avec une flore riche et diversifiée accueillera de nombreux cortèges d’invertébrés. Les changements de pratiques avec une gestion différenciée des parcs et jardins permettent une reprise de ces milieux. Malheureusement la gestion de ces strates herbacées hautes est souvent défectueuse car elle ne respecte pas leur cycle biologique complet. En effet, les périodes d’interventions sur ces habitats se font souvent en hiver alors que c’est le lieu d’hivernage des adultes qui assureront la pérennité de l’espèce. Ainsi les chrysopes qui sont des  prédateurs très efficaces sur les œufs des pucerons, au stade larvaire (une larve peut manger jusqu’à 500 œufs), passe l’hiver sous des tas de feuilles, de bois morts, des ourlets denses et autres zones non fauchés. Il est également possible de mettre en place des gîtes artificiels pour les maintenir pendant l’hiver.

La présence de zones herbacées tout au long de l’année permet de maintenir des zones de refuges et d’accueillir les espèces des plus précoces au plus tardives.

 Ces zones sont également des habitats pour les reptiles et les amphibiens tout au long de l’année. Les reptiles sont des régulateurs très efficaces sur les populations de campagnols, souris et rats qui peuvent poser des problèmes auprès de la population et les lézards sont de précieux auxiliaires dans la lutte contre les cicadelles. Les strates herbacées sont leurs terrains de chasse privilégiés, ainsi que de repos lorsque les ourlets sont épais.

Les zones herbacées peuvent rendre de nombreux services  :

  • Accueil d’auxiliaires
  • Amélioration de la structure et de la portance du sol
  • Limitation de l’érosion, facilitent l’infiltration de l’eau dans le sol et jouent un rôle de filtre
  • Diminution de la sensibilité à certaines maladies
  • Amélioration du taux de matière organique

La troisième zone regroupe l’ensemble des autres habitats. Il regroupe les zones humides (mares permanentes et temporaires), roubines, étangs, cours d’eaux, les murs et murets et le bâti en règle générale ainsi que les micro habitats tels que tas de branches, de feuilles, de pierres, etc.

L’ensemble des zones humides est intéressante car ce sont des réservoirs de biodiversité avec un habitat caractéristique. Les mares permanentes et cours d’eau notamment en zone méditerranéenne sont primordiaux pour permettre à la faune de s’abreuver et donc de s’installer à proximité. Elles peuvent également être un support supplémentaire dans les ressources alimentaires et avoir une diversité importante. Les mares doivent avoir des pentes douces pour permettre à la faune de s’abreuver et éviter qu’elles se noient avec des zones de refuge (embroussaillé) et des zones ouvertes. Elles ne doivent pas avoir de poissons qui sont voraces et déstructurent l’équilibre écologique de ce milieu. Il est préconisé à tort de mettre des poissons pour lutter contre les moustiques. Une mare en équilibre écologique va accueillir des amphibiens, batraciens et libellules  qui sont les auxiliaires naturels des moustiques. Les larves de libellules se nourrissent quasi exclusivement de larves de moustiques et les adultes sont de redoutables chasseurs des adultes.  Les zones en eaux permanentes permettent également de fixer les populations de chiroptères et l’avifaune tout autour.

Les murs et murets en pierres sèches offrent des habitats pour les oiseaux, les mammifères mais surtout les reptiles qui y recherchent la chaleur accumulée. Les lézards sont de précieux auxiliaires  se nourrissant notamment de cicadelles. Ces éléments facilitent également la mobilité des espèces et de nombreux invertébrés utilisent ces micro-habitats pour passer l’hiver à l’abri des intempéries.

Les bâtiments peuvent accueillir des auxiliaires. Les toits d’église ou autres bâtiments ouverts peuvent accueillir les hirondelles rustiques et de fenêtre, les moineaux domestique et friquet, les chouettes, etc. Les cavités dans les murs, même petites, sont recherchées pour la nidification des mésanges, des huppes fasciée, etc. Certaines chauves-souris se mettent dans les combles pour la mise bas et s’en servent de nurseries. D’autres dites, fissuricoles, s’installent derrière des bardages, dans les fentes de linteaux, derrière les volets ou sous les tuiles.

L’ensemble des autres habitats rendent de nombreux services aux collectivités :

  • Accueil d’auxiliaires et augmentation des espèces dites anthropophiles
  • Diversification des milieux
  • Zone d’abreuvement de la faune
  • Possibilité d’aménagements simples et peu coûteux.

De nombreuses actions pour rétablir ces habitats pouvant accueillir les auxiliaires peuvent se mettre en place, mais l’idéal est de l’appliquer à une échelle la plus large possible. Ces écosystèmes peuvent devenir des zones écologiques réservoirs et favoriser la circulation des espèces. Les pratiques dans parcs et jardins influent sur la diversité et l’abondance des espèces mais leurs places au sein du paysage est déterminante. Par exemple, les chauves-souris consomment les papillons des chenilles processionnaires (Charbonnier et al, 2014) et les mésanges (charbonnières, bleus, etc) consomment les chenilles. Si la zone est isolée et ne permet pas le gîte à ces deux taxons, les chenilles vont proliférer n’ayant pas ou peu de prédateurs.

Toutes ces actions doivent par contre se faire obligatoirement avec une communication pour expliquer les enjeux et associer les habitants. Le changement de pratique de gestion des espaces verts et d’accueil de la biodiversité ne peut se faire qu’avec le consentement des personnes vivant sur place.

Les grands groupes d’auxiliaires

La lutte « intégrée » vise à limiter les populations de ravageurs. On a pour cela recours à des espèces animales pour réduire ou supprimer les dégâts des ravageurs.

Parmi eux, les oiseaux tels que le rougequeue à front blanc, le pic épeiche, les mésanges, les hirondelles, les martinets, les moineaux sont de grands consommateurs d’insectes diurnes.

S’agissant des mammifères, il peut s’agir du renard, de la fouine, de la martre tant décriés, pour leur consommation de rongeurs. Les chauves-souris, principal insectivore nocturne, se nourrissent en grandes quantités, une femelle allaitante peut manger jusqu’ à 2/3 de son poids par nuit (Cleveland et al., 2006).

Amphibiens et reptiles ont également une place non négligeable en tant que prédateurs.

Mais le plus souvent, les auxiliaires sont représentés par des insectes et acariens entomophages (dévoreurs d’insectes) : bourdons, chrysopes, syrphes, carabes ou tyflodromes jouent en effet un rôle essentiel .

Il ne s’agit pas d’éliminer totalement une espèce d’un site, mais de diminuer, puis de maintenir sa population locale à une densité telle que ses dégâts deviennent négligeables ou tolérables. Comme les entomophages sont très sélectifs, en ne s’attaquant souvent qu’à une stade précis de développement (œufs, larves, nymphes, adultes) leur efficacité est redoutable.

Les services économiques, culturels et environnementaux que rendent les écosystèmes à nos sociétés demeurent indispensables à notre développement et à notre avenir.

La lutte contre l’altération et l’érosion de la biodiversité est un enjeu mondial du 21ème siècle. 

Les solutions fondées sur la nature sont les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les enjeux de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et des bénéfices pour la biodiversité (rapports de l’Union Internationale de Conservation de la Nature). En effet, la biodiversité peut offrir des réponses aux questions de développement et d’aménagement durables, de santé, d’alimentation par son rôle primordial dans le fonctionnement des écosystèmes dont les activités humaines dépendent. De plus, des écosystèmes, divers à la fois par leurs espèces et leurs habitats, permettent d’atténuer les effets des changements climatiques. 

Source : Ministère de la Transition écologique et solidaire ; article « La biodiversité au service des Espaces Verts ! », Rodolphe MAJUREL, Bativersité

Crédit photo : © FREDON France

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