Lectures pour l’été : quoi de neuf sur la thématique « eau, agriculture et environnement » ?

Suite à un printemps quelque peu bouleversé, l’été est là et porte la promesse d’un retour à la normale. Pour une rentrée bien préparée, voici une sélection de publications – et leurs résumés – issues d’horizons divers sur la thématique « eau, agriculture et environnement ». A lire pendant l’été !

 

Du coté des publications institutionnelles

> L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC) publie son rapport « L’état des eaux des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse – 2020″

Dans ce rapport d’une trentaine de pages on apprend, notamment, que les pesticides constituent encore à ce jour une menace prégnante sur l’alimentation en eau potable. Voici quelques éléments clés à retenir au regard de la pollution des ressources en eau par les pesticides et les nitrates.

Premièrement, une division par 2 de l’impact toxique moyen des pesticides dans le milieu entre 2008 et 2018, principalement  dû au retrait progressif sur le marché des substances actives les plus dangereuses. Un point d’alerte est posé sur l’année 2018, qui présente une augmentation importante des ventes de produits phytosanitaires contenant les substances les plus toxiques (CMR, T+, T).

Deuxièmement, les pesticides sont le groupe de micropolluants le plus représenté parmi les substances recherchées et détectées dans les eaux du bassin RMC.

  • – En surface, le glyphosate et son métabolite AMPA restent les substances les plus quantifiées, pouvant atteindre des concentrations de plus de 1000 fois la norme applicable à l’eau potable !
  • – Dans les eaux souterraines, triazines et chloroacétamides, 2 familles d’herbicides en majorité interdits depuis 15 ans et encore retrouvés à ce jour, sont au cœur d’une pollution diffuse majeure et les principaux responsables des dépassements de normes de qualité pour l’alimentation en eau potable. Certains de leurs métabolites ne sont analysés que depuis peu de temps (2014 pour l’atrazine déséthyl deisopropyl ou DEDIA, et 2017 pour le Metolachlore ESA) et sont, depuis, retrouvés massivement dans les eaux. Ces « découvertes » en appellent à garder un niveau de vigilance accru sur les nouvelles molécules mises sur le marché en substitution des molécules interdites.
  • – Sur les captages prioritaires, la connaissance progresse et confirme la prédominance de la contamination par les pesticides, qui touche plus de 50% des captages prioritaires du bassin RMC en 2017-2019 (75% sur le secteur Est de la région Occitanie).

Enfin au sujet des nitrates, l’évolution des pollutions entre 2008 et 2018 pointe une légère tendance à la baisse qui demande à être confirmée sur la durée.

> La Cour de Comptes a publié, en novembre 2019, son référé avec le bilan des plans Ecophyto

Dans ce document simple et concis, une vue globale et évaluative est apportée sur la politique Ecophyto et sa mise en œuvre, en lien avec divers programmes et dispositifs connexes liés aux pesticides, français ou européens.

De nombreux rappels et résultats sont mis en avant sur le contexte national et le Plan, déployé depuis 2008. Globalement, il est pointé le fait que les objectifs du plan ne sont pas atteints malgré une décennie d’investissements et actions, avec des effets en deçà des ceux visés et « une gestion administrative et financière si complexe qu’elle peut neutraliser les effets de l’impulsion nationale et, plus récemment, des initiatives régionales ».

Enfin, des recommandations stratégiques sont formulées à l’attention des ministères en charge (MTES et MAA) . On retient : (A) la nécessaire introduction, dans les négociations de la nouvelle politique agricole commune (PAC), d’un objectif prioritaire de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques ; (B) la nécessité d’élaborer et rendre public, dès 2020, au niveau national et  régional, un tableau de bord complet de mise en œuvre le plan Ecophyto pluriannuel ; (C) le besoin de publier et rendre accessibles au public, chaque année, les données et les analyses rendant compte de la politique, des substances actives émises et de leurs effets sur la santé humaine et sur l’environnement, notamment sous forme de cartographies.

> L’Anses, l’Ineris et Atmo France publient les résultats de la campagne de mesure des résidus de pesticides dans l’air, menée de juin 2018 à juin 2019

La campagne a permis de mesurer 75 substances sur 50 sites répartis sur l’ensemble du territoire national. Près de 100 000 données validées ont été recueillies et 1 800 échantillons analysés, participant à l’amélioration des connaissances sur les résidus de pesticides présents dans l’air ambiant, pour mieux évaluer l’exposition de la population générale. A terme, cette campagne contribuera à définir une stratégie nationale de surveillance des pesticides dans l’air ambiant.

 

Du coté des guides et rapports associatifs

> FNE PACA a publié, à l’attention des collectivités, un guide « Ressource en eau et milieux aquatiques : quelle intégration dans les documents d’urbanisme ? « 

En introduction, l’association rappelle à juste titre que « la gestion de l’eau et des milieux aquatiques ne doit plus être perçue par les aménageurs comme une contrainte, mais traitée comme un enjeu majeur de développement ».

Le document, très structuré et axé sur une prise en main effective du sujet par le lecteur, rappelle en première partie le cadre politique et réglementaire des documents « eau » et des documents d’urbanisme.

En deuxième partie, il explore l’articulation entre ces deux catégories de documents, avec un focus important sur la gestion qualitative de l’eau pour la protection perenne des ressources pour l’alimentation en eau potable (AEP) et la réduction les pollutions diffuses et ponctuelles des eaux, voire la reconquête des ressources dégradées.

> Générations Futures publie, en juin 2020, un rapport inédit sur les pesticides dans l’eau du robinet en 2019

Sur la base des résultats 2019 des contrôles sanitaires de l’eau du robinet réalisés par les ARS (fournies par le Gouvernement sur data.gouv.fr), Génération Futures a analysé la proportion des résidus de pesticides mesurés lors de ces analyses d’eau du robinet ayant des propriétés cancérogène, mutagène, reprotoxique (CMR) ou perturbatrice endocrinienne (PE).

Quelques constats et résultats de l’étude :

  • – De grandes disparités existent sur la façon dont les analyses sont conduites d’un département à l’autre, portant notamment sur la quantité de substances recherchées dans chaque prélèvement ciblant les pesticides. En effet, moins on recherche de pesticides, moins on en trouve.
  • Des pesticides sont fréquemment retrouvés dans l’eau du robinet en France (dans 35,6% des analyses les recherchant) et que parmi les résidus retrouvés, les molécules CMR et/ou suspectées PE représentent plus des 3/4 des quantifications individuelles de pesticides (et plus de la moitié pour les seuls PE).

L’association de défense de l’environnement alerte sur « le potentiel d’action à faible dose sur le long terme des perturbateurs endocriniens » et le risque « d’une exposition continue à des faibles doses de ces PE par l’eau de consommation ».

 

Du coté de la recherche

> L’INRA et l’IRD publient les résultats de l’étude « Connaissance des sols sur les aires d’alimentation de captages » via la méthode des « secteurs de référence »

L’équipe de recherche part du constat que les données pédologiques sont peu mobilisées dans le cadre de l’élaboration des diagnostics et des plans d’actions sur les aires d’alimentation de captages (AAC), alors même que les caractéristiques des sols jouent un rôle fondamental sur la dégradation et le transfert des polluants vers les ressources en eau.

L’article présente les résultats de réflexions préliminaires à l’élaboration d’un cahier des charges de référence pour l’acquisition de données sol sur les AAC et leur prise en compte dans les démarches de diagnostics, d’élaboration et de mise en œuvre de plans d’actions. Est explorée, ensuite l’adaptation du cadre des Secteurs de référence à la problématique des AAC, avec des perspectives prometteuses pour optimiser, à la fois, les coûts de collecte et la qualité des données pédologiques, l’appropriation par les différents acteurs impliqués et la pertinence des actions élaborées au niveau des AAC.

> L’INRA, le CIRAD, SupAgro, l’IRD, l’IFV publient le rapport de l’étude « Évaluer par modélisation des stratégies de réduction des usages d’herbicides dans les bassins versants viticoles »

L’article rend compte d’une méthodologie d’évaluation par modélisation de l’impact de stratégies d’entretien du sol en viticulture méridionale sur la contamination des eaux de surface par les herbicides et la production viticole. La méthodologie est déployée sous une double contrainte de réduction du ruissellement polluant par les herbicides à l’échelle du bassin versant, mais aussi d’acceptabilité économique, technique et sociale par les viticulteurs.

Dans l’exemple spécifique traité, l’évaluation par modèle converge avec l’analyse à dires de viticulteurs sur la nécessité d’introduire de la flexibilité dans la définition des stratégies de réduction des usages d’herbicide et des modalités d’entretien du sol associées. Elle indique toutefois qu’à terme l’abandon total des herbicides est à rechercher pour garantir la qualité des masses d’eau issues du ruissellement. En limites, l’équipe de recherche indique que l’approche de modélisation n’est pas suffisante à elle seule mais peut utilement s’inscrire dans une démarche de coconstruction entre les acteurs.

Cette coconstruction sera, justement, une des composantes du projet de recherche RIPP-Viti, mené par une équipe de recherche pluridisciplinaire sur le bassin du Rieutord, qui alimente les captages prioritaires animés par l’EPTB Orb-Libron (membre du réseau). L’étude a démarré en 2020 et présentera ses premiers résultats intermédiaires en 2021.

Crédit photo : Usager Flickr Florin Gorgan